Notre ami Stéphane a été se promener au centre de l’Espagne et il nous en a rapporté un petit reportage photographique sur une espèce endémique le Lynx Pardelle.
Crédit photos : Stéphane Courteix
Le Lynx Pardelle ou le Lynx Ibérique
Ses populations avaient atteint un niveau dramatiquement bas. Mais le Lynx d’Espagne, aussi nommé Lynx Pardelle ou Lynx ibérique, n’est désormais plus menacé de disparition. Ce sauvetage in extremis est le fruit d’un programme de conservation aussi novateur qu’ambitieux.
Le Lynx d’Espagne. L’espèce pourrait devenir un emblème. Ce félin tacheté de noir, aux oreilles pointues et à la face ornée d’un collier de poils longs, était encore considéré, il y a vingt ans, « en danger critique d’extinction », selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’une des plus grandes ONG environnementales.
C’était même le félin le plus menacé au monde. Au début du XXe siècle, il y en avait environ 100 000. En 2002, il n’en restait plus que 94 dans toute la péninsule ibérique, répartis entre deux parcs naturels, celui de Doñana, dans l’estuaire du Guadalquivir, et celui de la Sierra de Andujar, dans le nord de l’Andalousie.
Depuis six décennies, le lynx d’Espagne connaissait un déclin inexorable, frappé par une conjonction de multiples facteurs de mortalité : le braconnage, les pièges destinés aux autres petits carnivores, comme les renards, les collisions sur les immenses axes routiers traversant son aire de répartition, la fragmentation de son habitat…
Deux épidémies faillirent lui porter le coup de grâce : la myxomatose dans les années 1960 et, plus récemment, la fièvre hémorragique, qui décimèrent les populations du lapin de garenne, une proie indispensable à son alimentation.
On croyait le lynx d’Espagne bientôt éteint. Et pourtant, un programme de conservation aussi vaste qu’ambitieux, Iberlince, démarré en 2002 dans la Sierra de Andujar, a réussi à le sauver de l’extinction. Passé de la catégorie « en danger critique » à celle « en danger », le Lynx ibérique est l’une des rares espèces à avoir remonté d’un cran la liste rouge de l’UICN.
Financé à 60 % par la Commission européenne (via son programme Life) et à 40 % par le gouvernement régional andalou, Iberlince a employé une méthode de conservation innovante : outre l’obtention de grandes sommes d’argent, nerf de la guerre, il s’agissait de déployer la lutte sur plusieurs fronts à la fois, et d’y impliquer le plus grand nombre de partenaires possible.
À la répression du braconnage et la sensibilisation des habitants, les responsables d’Iberlince ont ainsi conjugué une réintroduction massive de lapins de garenne — de l’ordre de dizaines de milliers par an —, une restauration de l’habitat naturel du lynx ibérique et une meilleure gestion des axes routiers dangereux, notamment grâce à l’installation de grillages, de tunnels et d’écoducs.
Menées de concert, ces actions ont permis de minimiser les décès non naturels et de donner toutes ses chances au félin de se reproduire à l’état sauvage, en engageant par ailleurs la majorité de la société civile, entreprises, groupes écologistes, associations de chasseurs, propriétaires terriens.
Forte de son approche holistique, l’équipe d’Iberlince a pu donner vie, au cours des années 2000, au véritable cœur du programme : un réseau de cinq centres de reproduction en captivité — quatre en Espagne et un au Portugal —, implantés dans les zones de répartition naturelle du félin.
Au sein de ces vastes enclos protégés, les Lynx ibériques sont élevés dans des conditions semblables à leur état sauvage. Soigneurs et biologistes s’efforcent de n’y jamais perturber l’existence des animaux, afin que ceux-ci ne s’habituent pas à la présence humaine.
Les petits lynx naissent en captivité. Une fois sevrés, on les lâche dans l’enclos. Surveillés jour et nuit par un système de caméras et de micros, ils sont nourris à distance, au moyen de grandes caisses qui ne laissent sortir les lapins que plusieurs heures après leur dépôt. C’est ainsi qu’ils apprennent à chasser. Puis, au bout d’un an, les soigneurs les relâchent dans la nature, à des endroits mûrement choisis pour que la diversité génétique de l’espèce ne soit pas compromise.
Cette méthode a fait ses preuves. En vingt ans, des centaines de Lynx ibériques ont été replacés dans leur milieu naturel — 305 rien que pour le centre d’El Acebuche, dans le parc naturel de Doñana. Environ 85 % des lynx nés en captivité sont réintroduits. Leur taux de survie, en liberté, avoisine les 70 %. Les Lynx restants sont retenus pour la reproduction.
Aujourd’hui, on en compterait, en tout, 1 100 individus, contre 156 en 2012 et 589 en 2017. Ils se répartissent, en majorité, entre le sud-ouest de l’Espagne et le sud-est du Portugal. Cependant, l’espèce étant extrêmement mobile, elle pourrait à terme investir d’autres régions.
Malgré la réussite de cette « fabrique de lynx », le World Wide Fund for Nature (WWF) considère qu’il faudra dépasser les 3 000 individus pour que le risque d’extinction ait véritablement disparu. Un immense travail reste donc à accomplir.
Source : La Relève et la peste